RLB23 Finish Monnoyeur 1212JLC2034

Nous aimons voir revenir nos marins, d'autant plus ici, pour la plupart, à la maison. En revanche, ce que l'on aime le plus, c'est entendre leurs histoires de mer, de concurrents, d'avaries. Entre Clarisse et Benjamin, copains de la Classe Mini, qui partagent une pizza, et Conrad et Alan qui se racontent leurs derniers croisements, on oublierai presque le froid de l'hiver lorientais.

Clarisse Crémer - 12ème

« J’ai l’impression d’avoir fait 12 transatlantiques en une ! Il n’y avait pas un moment où ça n’était pas à fond. J’ai fait pas mal de grosses bêtises qui me faisaient reculer d’un paquet à un autre, c’était un peu énervant. Il y a des moments où je suis volontairement allée dans le paquet d’après pour faire « safe » parce qu’il fallait vraiment que je termine. Mais globalement, j’ai appris plein de choses ! Quand on n’a pas navigué en solitaire depuis trois ans, tout est forcément un peu difficile. Les premiers jours, j’étais fragile, j’avais mal partout, j’ai mis du temps à me mettre dans le bain physiquement. Le bateau est dur sur certains aspects : je crois que Charlie (Dalin) est un dur au mal et on n’a pas vraiment le même gabarit. Pour moi, l’enchaînement entre la Transat Jacques Vabre et le Retour à La Base était le meilleur possible : tu fais une course en double, tu es fatiguée mais tu restes dans le bain pour du solitaire. Par contre, je n’ai pas forcément pris beaucoup de plaisir pendant cette course. Il y avait le stress de ne pas finir la course, j’ai mis du temps avant de réussir à dormir et puis les conditions étaient hyper intenses. On s’est pris front sur front, on a fait des plantés impressionnants… Ce n’était pas une partie de plaisir mais il y a eu de chouettes moments ! »

SA COURSE EN CHIFFRES
Arrivée :  11/12/2023 21:33:24 FR
Temps de course : 11j 04h 33min 24s
Écart au premier : 2j 04h 29min 36s
Écart au précédent : 06h 52min 10s
Sur l'orthodromie : 3 497.42 nm / 13.02 nds
Sur le fond : 4 507.05 nm / 16.78 nds

RLB23 Finish Occitane 1112AB1994© © Anne Beaugé / Retour à La Base

Benjamin Ferré - 13ème

« C’est vraiment cool d’être le premier bateau à dérives ! Et une 13e place en plus, comme à l’aller ! C’était marrant parce que j’étais parti en mode convoyage, on ramène tranquillement le bateau. Mais dès le passage de la ligne, c’est parti fort, c’était intense ! Aller à la vitesse d’un foiler avec un bateau qui n’a pas de foil, ça oblige à ne rien lâcher et à être dessus tout le temps. Du coup, je n’ai pas beaucoup dormi ! Il y a une journée, hormis les 3 à 4 bateaux qui étaient devant, où j’ai longtemps été le bateau le plus rapide de la flotte. Jusqu’à la nuit de l’enfer, le 10 décembre 2023, tout s’est super bien passé. Avant, je n’avais fait que du solitaire et de revenir au solo avec les enseignements que j’avais eu avec Pierre (Le Roy) en météo, en stratégie, en choix de voile, c’était génial. J’ai vraiment gagné en confiance. J’ai eu tellement de problèmes : ce sera précieux pour le Vendée Globe, d’autant que je ne savais pas que je pouvais tous les résoudre ! Les épissures, changer l’amure… J’ai attendu trente ans avant de traverser l’Atlantique et là, je viens de le faire cinq fois en trois ans ! En tout cas, cette 13e place clôture bien l’année ! »

SA COURSE EN CHIFFRES
Heure d’arrivée : 00 h 34 min 42 sec
Temps de course : 11 jours 7 heures 34 min 42 sec
Milles parcourus : 4 366,06 milles
Vitesse moyenne réelle : 16,08 nœuds
Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 12,88 nœuds 

RLB23 Finish Monnoyeur 1212JLC2022© © Jean-Louis Carli / Alea / Retour à La Base

Conrad Colman - 14ème

À l’instar de la loi de Murphy qui dit que « tout ce qui est susceptible d'aller mal ira mal », il faudrait créer une loi Conrad Colman, qui dirait en substance « même quand tout va mal, on peut faire bien », sans oublier de s’amuser tout du long ! Sur ce Retour à La Base, le skipper de Mail Boxes Etc. aura à nouveau montré toute l’étendue de son talent et de son insatiable bonheur d’être en mer, finissant 14e de la course et deuxième des bateaux à dérives, reléguant loin derrière son tableau arrière un nombre conséquent de bolides bien plus récents que son plan VPLP – Verdier de 2007.

Dès le départ, le Néo-Zélandais avait assuré le spectacle ! Le long des côtes martiniquaises, il avait ingénieusement fait glisser sa monture pour revenir bord à bord avec Jérémie Beyou (Charal) et Thomas Ruyant (For The People), obligeant ce dernier à une belle opération au chausse-pieds pour éviter la casse… Le ton était donné : il allait décidément falloir se méfier de cet intrépide Kiwi ! 

Il faut dire qu’il s’est vite senti dans son élément le skipper de Mail Boxes Etc. Certes, ce n’est pas son Pacifique natal, mais l’Atlantique Nord en décembre, ça se défend en matière de gros temps ! « Je porte enfin un tee-shirt et ça fait plaisir. Avec mes gènes, je ne suis pas fait pour les chaleurs de l’équateur ! », écrivait-il après quelques jours en mer. Et retrouver le solitaire n’était pas non plus pour lui déplaire, bien au contraire ! « J’aime la solitude et me sentir maître de mes choix. Parfois, je me pince pour me rendre compte que ce que je vis n’est pas un rêve, je suis bien entouré de sponsors sur les voiles et de nombreuses personnes qui m’accompagnent sur ce projet ! »

« AU PREMIER RANG D’UN CONCERT DE DEATH METAL ! »
Un rêve, qui a pourtant tourné rapidement au cauchemar. Dès la première nuit de course, les casses se multiplient. Girouette, voie d’eau, poulie, boîte à réas… un inventaire à la Prévert de galères qui freine un peu le Néo-Zélandais, mais ne l’abat pas ! La trousse à outils n’est jamais bien loin, mais les fronts s’enchaînent, et il n’hésite pas à aller les chercher plus au Nord que ses concurrents à dérives : « Le premier gros coup de vent, je n'étais vraiment pas serein, le second j'ai pris confiance et celui-là, j'ai lâché les chevaux ! Le bateau vibrait, sifflait, chantait dans tous les sens. C’est comme si j’étais au premier rang d’un concert de death metal ! C'est dur la vie à bord, mais je suis content ! »

Car il est impossible de douter que Conrad Colman est heureux d’être en mer, preuve en est ce sourire vissé en permanence sur son visage. Fêtant ses 40 ans seul au milieu de l’Atlantique, il se fait même poète au contact des éléments : « Hier, le soleil s’est couché sur ma jeunesse, que j’ai laissée derrière, dans mon sillage ! Un coucher de soleil franchement magnifique, avec de l’orage. En regardant ça je pensais à ces fameux 40 ans souvent utilisés comme point de référence. Les nuages d’en bas étaient illuminés de toutes les couleurs avant d’être ombragés par la rotation de la terre, puis c’est la couverture nuageuse plus haute qui est réapparue dans la lumière. C’était une belle métaphore du passage dans la quarantaine »…

Quel plus beau cadeau pouvait-il s’offrir que cette remontée finale au classement, après le passage des Açores ? Passant de la 21e à la 15e place, le voici le long des côtes espagnoles, à un mille seulement d’Alan Roura (Hublot), qu’il appelle alors à la VHF. « Alors, tu dois pas être content de me voir, mais moi je suis très très content de te croiser ! », lance-t-il à son ami et collègue à foils, bien embarrassé dans la grosse houle du golfe de Gascogne, qu’il parviendra à dépasser quelques heures plus tard sur la remontée vers Lorient…

À l’arrivée, Conrad Colman a encore montré que malgré son tout petit budget, il était capable de très grandes choses. Et que sa passion de l’océan ne connaissait, décidément, aucune limite. Tout comme son ambition sportive ! 

SA COURSE EN CHIFFRES
Heure d’arrivée : 02 h 30 min 42 sec
Temps de course : 11 jours 09 heures 30 min 42 sec
Milles parcourus : 4 274,19 milles
Vitesse moyenne réelle : 15,63 nœuds
Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 12,79 nœuds

RLB23 Finish MailBoxes 1212JLC2058© © Jean-Louis Carli / Alea / Retour à La Base

Alan Roura - 15ème

« J’étais en short jusqu’à ce matin, je me suis mis en salopette juste pour les photos ! Ça s’est bien passé parce que l’objectif en partant, c’était de finir dans le ‘Top 15’. Il y a eu de supers phases, des phases un peu moins bonnes, des soucis techniques… C’était une transat hyper intéressante pour voir la technique sur le bateau. Il est très difficile en mer, il plante beaucoup donc il y a beaucoup d’eau qui rentre à bord. Et puis j’ai perdu mon petit gennaker, - c’était la voile de la course donc c’est un peu dommage - et j’ai eu des soucis de pilote automatique aussi… Mais je suis content d’être là avec mon bateau, on s’est bien entendu même si ça fait trois jours que je n’ai pas dormi ! Ce matin, en longeant la côte espagnole, j’ai pris un grain qui sort de nulle part et le bateau est resté couché… C’était un truc de dingue, à 35 – 40 nœuds ! Les mers du Sud, ce sont des vacances à côté ! Là, il va falloir qu’on installe un vrai jeu de voiles, réglé pour le bateau, et qu’on fasse un gros travail cet hiver. Mais même s’il enfourne beaucoup, c’est un super bateau !

Ce qui prime là, c’est le soulagement. C’était une course très engagée après une saison très complète. Il y a eu peu de repos entre la Transat Jacques Vabre et le départ et des conditions difficiles surtout. Je suis vraiment content d’être arrivé. Je me sens vraiment fatigué parce que j’ai tout donné. Ça donne envie de se reposer, de prendre soin de moi et de savoir le bateau entre de bonnes mains. Il a fait le job ! Les trois derniers jours de course étaient presque de trop… J’avais fait plusieurs fois la transat retour et ce n’est pas le même rythme. L’an dernier, je l’avais fait en faux solo et on avait rencontré les mêmes conditions. C’est un bon apprentissage pour l’usure du marin et du bateau. C’est une super transat techniquement parce que ça t’offre une vision globale de tout ce qui peut se passer à bord du bateau, une certaine idée de la fatigue à bord et les points à améliorer, à valider et c’est top ! Le bateau va sortir de l’eau, passer l’hiver au chaud avec des optimisations qu’on fera bientôt. Moi je vais prendre un hiver tranquille et profiter de ma famille sans parler de bateau ! »

SA COURSE EN CHIFFRES
Heure d’arrivée : 03 h 38 min 59 sec
Temps de course : 11 jours 10 heures 38 min 59 sec
Milles parcourus : 4 358,70 milles
Vitesse moyenne réelle : 12,73 nœuds
Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 15,87 nœuds 

RLB23 Finish Hublot 1212JLC2063© © Jean-Louis Carli / Alea / Retour à La Base

Source : Retour à La Base